LOYAUTÉ (preuve judiciaire)

LOYAUTÉ (preuve judiciaire)
LOYAUTÉ (preuve judiciaire)

La recherche des preuves est un des principaux problèmes de la procédure pénale. Sans preuve, pas d’imputabilité et pas d’application d’une sanction, car la reconnaissance de la responsabilité est liée à la preuve de l’imputabilité. Deux règles traditionnelles de procédure viennent donner à la preuve pénale une physionomie bien distincte de la preuve civile: ce sont la présomption d’innocence et la liberté de la preuve. La présomption d’innocence oblige l’accusateur à prouver la culpabilité, à détruire le doute qui profite à l’accusé. La preuve est difficile à faire; aussi facilite-t-on son rapport par la règle de la liberté des preuves. Mais la loyauté dans la recherche de la preuve vient protéger l’individu contre les abus dans la recherche de celle-ci et impose un certain style à l’enquête. L’apparition des méthodes modernes d’investigation (emploi de narcotiques, détecteurs de mensonges, usage de magnétophones et de tables d’écoute) a réactualisé le problème de la loyauté dans la recherche des preuves. Ces méthodes portant atteinte à la volonté de l’homme, leur admissibilité en justice est dès lors contestable. Analyser le problème de la loyauté dans la recherche des preuves conduit à dégager un critère de loyauté, puis à déterminer quels seront les effets de l’inobservation des règles relatives à la loyauté.

La loi contient des principes directeurs destinés à garantir la loyauté de la recherche de la preuve et à protéger l’individu contre l’arbitraire. La Déclaration universelle des droits de l’homme dispose dans son article 5 que «nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» et, dans son article 12, que «nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance». Ces dispositions ont été reprises par la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et réaffirmées par la Constitution du 5 octobre 1958. Le Code de procédure pénale vient lui aussi garantir la loyauté: les articles 63 et 64 interdisent par exemple les longs interrogatoires de police; l’article 172 prévoit la nullité des actes de l’instruction accomplis en violation des droits de la défense... Mais si les textes posent quelques principes directeurs, ils ne se prononcent pas sur la loyauté de telle ou telle méthode d’investigation.

La jurisprudence a dû suppléer au silence de la loi et les tribunaux se sont considérés comme les gardiens des droits de l’individu. La sauvegarde de ces droits implique le respect de l’intégrité physique, de l’intimité et des droits de la défense. C’est pourquoi la violence physique pratiquée afin d’obtenir l’aveu est condamnée. De même, les méthodes diminuant la volonté, tel l’hypnotisme. Mais la jurisprudence ne reconnaît pas à l’individu un droit à la simulation; si elle admet le narco-diagnostic, elle n’admet pas cependant le narco-interrogatoire (affaire du penthotal, tribunal correctionnel de la Seine, 23 févr. 1949) et a justement condamné l’utilisation du détecteur de mensonges. De même, le respect de l’intimité est sauvegardé: la cour de Colmar a repoussé, par exemple, le témoignage du détective qui avait constaté l’adultère d’une femme en l’épiant à travers les persiennes (1953); la cour de Lyon a refusé de prendre en considération le constat d’un huissier qui s’était caché sur le balcon pour constater, sur la demande du mari, que ce dernier était violemment injurié par sa femme (1974). Enfin, le respect des droits de la défense est la condition primordiale pour que la recherche des preuves soit déclarée loyale. La justice doit inspirer confiance et respect: elle ne peut, pour confondre les malfaiteurs, utiliser les moyens que ceux-ci emploient. L’usage de la provocation, de la ruse et de l’artifice a soulevé de sérieuses objections. La provocation policière doit rester un moyen exceptionnel et ne doit en aucun cas donner lieu à des abus.

Les effets de l’inobservation de la loyauté dans la recherche des preuves doivent être envisagés à l’égard de l’acte lui-même et à l’égard de l’auteur de cet acte. À l’égard de l’acte lui-même, le principe est que la preuve se disqualifie et que cette disqualification varie avec l’ampleur de la déloyauté. Cette preuve déloyale ne permettra pas à titre unique de prouver la culpabilité, mais elle servira d’indice. L’assimilation aux indices peut paraître choquante. Pourtant, la pratique se sert de tels compromis. Une preuve obtenue en utilisant des procédés peu loyaux n’aura cependant jamais la qualification autonome d’aveu. Mais, dans quelques cas, la déloyauté peut présenter un caractère tel de gravité que son effet devient absolu: le moyen de preuve doit alors être rejeté dans sa totalité; il entraîne de ce fait la nullité de tout ou partie de la procédure qui a suivi. À l’égard de l’auteur de l’acte déloyal, des sanctions pénales peuvent être encourues chaque fois que l’acte déloyal présente les éléments constitutifs d’une infraction, donc dans les cas graves (en cas de violences physiques, par exemple). Mais des sanctions simplement disciplinaires peuvent être infligées: elles peuvent atteindre soit le juge d’instruction (affaire Wilson, 1888), soit des officiers de police judiciaire.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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